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Dialogue interreligieux. Croyances et rites autour de la mort.

Jeudi 5 mars, s’est tenue une journée de formation et de dialogue interreligieux sur le thème : « Croyances et rites autour de la mort dans le judaïsme et dans l’islam ». Étaient présents le Dr Serge Hannoun, représentant de la communauté juive dans les Côtes-d’Armor et membre du « Groupe Jules Isaac » de Rennes ; et Mehand Iheddadene, imam de la mosquée de Lannion et président de l’association « Ti Salam ».

PowerPoint des intervenants

Une heure de repentir et de bonnes actions en ce monde ci vaut plus que toute la vie du monde futur. Et une heure de félicité dans le monde futur vaut plus que toute la vie de plaisirs matériels dans ce monde ci.
Traité des Pères (4,17)

La vie est une maladie éminemment mortelle. L’attitude qu’on va avoir durant notre vie nous permet d’avoir moins d’appréhension vis-à-vis de la mort. Parler de la mort, c’est bien, mais nous devons commencer par parler de la vie car la mort n’est que sa finalité. Dans la tradition judaïque, la mort est comparée à la naissance, tel un passage d’un monde à un autre. Tous les comportements dans le judaïsme sont tirés de livres sacrés, pas simplement la Torah mais aussi le Talmud, les Midrash les écrits mystiques (la Cabbale, le Zohar), les écrits rabbiniques, la Halakha (jurisprudence juive) et les coutumes locales.

Avant de parler de la mort, parlons de la vie et de la sainteté de la vie. « Alors le Seigneur Dieu modela l’homme avec la poussière tirée du sol, il insuffla dans ses narines le souffle de vie, et l’homme devint un être vivant. » (Genèse 2,7) L’âme est donc une partie du divin. C’est Dieu qui nous offre les ressources de la Terre. Ainsi, tout doit être mis en œuvre pour conserver la vie, interdisant par conséquent de supprimer une vie. On ne doit pas seulement conserver la vie d’une personne juste par l’utilité qu’elle représente. Une personne en état végétatif ne doit pas être supprimée juste en avançant l’argument qu’elle ne sert plus à rien. Il n’y a de priorité de vie sur une autre. Toutes les vies se valent. Tout instant de vie est utile, c’est Dieu seul qui reprend le souffle divin qu’il a insufflé dans chaque être humain.

Le monde n’a pas été créé pour les juifs mais pour l’humanité. Nous sommes tous les Fils d’Adam et Eve, nous appartenons tous à la famille de Noé. L’Homme est créé à l’image de Dieu. Le corps est l’enveloppe de l’âme, par continuité le corps donc est saint. Chacun de nous doit se préparer personnellement à la mort. On sait déjà que nous ne sommes que de passage, qu’on est mortel. La lumière qu’on a reçue doit nous permettre d’éclairer les personnes autour de nous et nous mourrons dès qu’on on a accompli notre mission. Cependant, la peur de la mort n’est pas absente : peur du passage, peur de ce qu’on laisse, peur de la douleur des proches…

Vis-à-vis du mourant, il y a des obligations de le visiter, en accord de la famille. Quand la personne est en fin de vie, parfois à l’agonie, la présence des proches et leurs prières sont très importantes. Souvent, cela donne beaucoup de sérénité aux personnes survivantes d’avoir été présentes jusqu’au bout, d’avoir assisté à l’expiration. Le temps de deuil est moins long chez les croyants, je pense. Le « kaddish » (une des prières centrales de la liturgie juive) n’est pas une prière pour les morts mais de sanctification du nom de Dieu et de reconnaissance de sa grandeur et de sa miséricorde. Elle est régulièrement récitée au cours des offices à la synagogue. Il est de tradition que les endeuillés la récite pour montrer que malgré la douleur de la mort d’un parent, ils sont fidèles à l’Éternel.

La notion d’enfer n’existe pas dans le judaïsme. La Torah, qui ne parle pas de futur mais de présent, n’évoque la vie après la mort que par allusions. L’expression « Il rejoint ses pères » lors de la mort d’Abraham fait évoquer un devenir après la mort. Au moment du décès, l’âme quitte le corps qui redevient poussière jusqu’à la résurrection. Lorsqu’on verse de la terre sur le cercueil, on prononce les paroles suivantes : « Tu viens de la poussière et tu retournes à la poussière. La poussière va à la terre, d’où elle est venue, et l’âme retourne vers Dieu qui l’a donnée ».

L’homme ne juge pas l’homme, seul Dieu juge. L’homme révèle ce qu’il a été, quelle importance a-t-il donné à la spiritualité, ce qu’a représenté Dieu pour lui. Au terme de ce premier jugement, l’âme est envoyée soit :

  • au Gan Eden (temps de proximité avec Dieu en attendant la résurrection)
  • au Guéhinam (purgatoire, lieu de passage avant d’entrer au Gan Eden)
  • condamné au Guilgoul (réincarnation, l’âme est renvoyée sur Terre pour une épreuve de rattrapage)

Dans les deux derniers cas, ce n’est pas Dieu qui nous fait souffrir mais nous-même qui causons notre propre destination. Il existe une vie avant et une vie après : la vie après la mort dépend essentiellement de la vie avant la mort. Il ne faut pas gâcher sa vie terrestre mais en faire quelque chose de bien dont on puisse être fier le jour où on devra se présenter devant notre Créateur. Cependant, il n’y a pas de description exacte du monde de la vie après la mort car sinon, on serait tenté d’y parvenir plus vite.

Les cinq niveaux de l’âme dans la tradition judaïque :

  • Le « Nefesh » : premier niveau de l’âme, âme que possède tout être respirant
  • Le « Rouah », ou souffle : l’homme est appelé « souffle parlant »
  • La « Neshamah » : souffle plus spirituel que le « Rouah », partie de l’âme purifiée au réveil
  • La « Haya », ou âme vivante liée à la Création reliée à la prière et à la perception de l’infini
  • La « Yéh’ida » ou unité en relation avec le Divin, projet de vie unique et en responsabilité

« Œuvre pour ta vie comme si, tu allais vivre à jamais. Œuvre pour ta mort si tu allais mourir demain », c’est la devise qu’on utilise pour décrire notre présence dans ce monde. Allah nous a donné la chance d’exister et de profiter de cette vie. La vie, c’est un dépôt d’Allah. À tout moment, il peut la reprendre. Il y a une façon de vivre la vie dans une dimension d’attente d’un événement qui touchera chacun de nous, la mort.

Pour le musulman, la vie terrestre est une longue préparation à la vie dans l’au-delà. La mort en elle-même n’est qu’une étape dans ce voyage pour la vie éternelle. Tous les moments de la vie doivent se vivre dans cette attente-là. « Si la fin du monde venait à survenir alors que l’un d’entre vous tenait dans sa main une plante, alors s’il peut la planter avant la fin dans le monde, qu’il le fasse. » C’est-à-dire qu’il faut continuer à œuvrer sur Terre jusqu’au terme de notre vie. Une « bonne action », c’est une action qui aura un impact positif sur autrui. La vie et la mort sont intimement liés dans l’islam, comme nous le montrent de nombreux versets. Nos actions, nos paroles sont déterminées vis-à-vis de nos convictions de la vie après la mort. Les actions que nous faisons auront un impact le jour du Jugement dernier. Nous aurons à rendre des comptes. Faisons-en sorte d’être généreux vis-à-vis de nos parents, nos voisins et nos amis.

« Celui qui met fin à une vie, c’est comme s’il avait mis fin à la vie de toute l’humanité ». Cette sacralité de la vie est préservée par les différentes législations dictées par la Parole divine, au point même qu’il ne faut pas souhaiter la mort sous peine d’être touché par le malheur. S’il y a de la souffrance ou de la douleur, il faut rester serein dans la difficulté. Même si on s’est éloigné de Dieu, si on a fauté, le fait de vivre permet de corriger ses erreurs et se rapprocher de la perfection. On est capable de faire le bien et d’être porteurs de belles choses. Dans la conviction musulmane, l’homme est le vicaire de Dieu sur Terre. Sa mission est de faire le bien dans le monde. La peur de mort est un moteur de propagation du bien. La mort est une épreuve qui nous permet de savoir ce que nous allons faire de notre vie. C’est Dieu qui a créé la vie et la mort pour tester l’homme dans ses actions quotidiennes. Il s’agit donc d’agir de la meilleure des façons. La mort est un retour à Dieu, c’est à Lui que nous appartenons et c’est vers Lui que nous retournons.

Quand on adhère à la foi musulmane, il est fondamental d’avoir la foi dans le Jugement dernier. Il y a un cheminement de l’âme vers la Vie éternelle. La religion musulmane comporte trois éléments fondamentaux :

  • La résurrection : il s’agit de croire au retour des morts à la vie
  • Croire au Jugement et à la rétribution en fonctions des œuvres effectuées sur Terre
  • Croire au paradis et à l’enfer : on vivra des choses qu’on n’aura jamais vues ou imaginées

Nous devons nous préparer à la mort spirituellement à travers une volonté de pardonner et de se faire pardonner. Nous devons demander à Dieu de rectifier nos erreurs. Quelle que soit la situation dans laquelle on se trouve, il s’agit de toujours choisir de faire une bonne action et d’avoir confiance en Dieu. La préparation matérielle passe par la rédaction de son testament en faveur de ses proches. À tout moment on peut partir, le testament permet de distribuer ses biens et de donner des indications sur la forme que doit prendre son enterrement.

Après le dernier souffle de vie d’une personne, ceux qui l’entourent doivent lui fermer les yeux et diriger son corps, dans la mesure du possible, en direction de la Mecque. « Quand vous vous trouvez à côté d’un malade ou d’un mort, ne prononcez que de bonnes paroles car les anges appuient ce que vous dîtes. » Même si c’est difficile de perdre un proche, il faut accepter la décision de Dieu que de reprendre une personne car c’est à Lui que nous appartenons. Nous sommes éphémères, nous avons conscience de cela. Mais n’empêchons pas les proches de pleurer.

Dans le cadre du rite funéraire, il faut laver le corps du défunt avec de l’eau, sauf si sa dignité est en jeu ou s’il y a un risque de dégradation du corps (état de décomposition, par exemple) avant de l’envelopper dans son linceul. Ce lavage mortuaire concerne les enfants, les hommes et les femmes sans que cela soit une obligation pour les bébés. Le défunt est ensuite enveloppé dans un tissu suffisamment grand afin de couvrir entièrement son corps. En pratique, durant l’enterrement, la dépouille du défunt est placée devant l’imam et les priants derrière ce dernier. La position du corps du corps sera telle que, posé sur le côté droit, il regarde vers La Mecque. Le convoi funèbre est suivi en silence en invoquant Dieu ou en lisant le Coran dans son cœur. Trois poignées de terre seront jetées dans la tombe par chacune des personnes présentes avant un temps de silence une fois l’enterrement terminé.

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